L’association J’interviendrais est engagée depuis cinquante ans auprès d’ enfants autistes et psychotiques, et de leur famille. Elle lutte pour la dé-psychiatrisation de l’enfant. Elle a monté des lieux de vie et organisé des temps de vacances. Entre 2010 et 2012, j’ai été éducatrice sur de nombreux séjours, accompagnée de mon appareil photo argentique. Ils avaient lieu dans différents coins de France, en pleine nature : Normandie, Berry et Provence. Nous, éducateur.ices, sommes généralement en «un pour un», ce qui signifie que nous sommes référent.es d’un enfant en particulier, au sein d’un groupe de six enfants et six adultes. Nous passons la majorité de nos journées en extérieur et marchons beaucoup.
Fernand Deligny, une des références majeures de l’éducation spécialisée, à l’origine de la création de lieux alternatifs et de cartographies sensibles sur les déplacements de ces gamins-là écrit : « Nous vivons dans le temps, ils vivent dans l’espace ».
Pour assurer une sécurité psychologique aux jeunes, il a fallu penser en terme « d’espace contenant », espace offrant un cadre rassurant à l’intérieur duquel la libération était possible.
Auprès de ces enfants sans parole, c’est le langage du corps qui primait. D., un jeune dont j’ai été référente lors d’un premier séjour, avait appris à utiliser l’ appareil compact numérique que je lui avait confié. Il a fait beaucoup d’images, le regard souvent tourné vers le ciel, photographiant le passage des nuages, le soleil à travers des branches d’arbre, un ballon entraîné par le vent … Lui m’a invité à regarder ce qu’alors je ne voyais pas.
Cette série d’images lui est dédié. C’est une suite de moments de grâce ponctuant les séjours, emprunts de fatigue, de violence souvent, de folie douce et collective.
PHOTOGRAPHE DOCUMENTAIRE














