Le cortège monte dans les hauteurs de la Balanza pour annoncer l’arrivée du festival FITECA
Fresque sur l’avenue Tupac Amaru annonçant le festival FITECA (Fiesta International de Teatro en Calles Abiertas)
Dans le « barrio cultural » de Madrigal, le défilé du FITECA est accueilli par une chicha locale
Devant ce tissu peint par Pinao, graffeur péruvien, les habitants viennent poser pour créer la mémoire du festival
Les enfants sont les premiers à profiter de cette grande fête. Les adultes tirent profit en montant un petit commerce
Le terrain de foot est réquisitionné pour servir de scène aux artistes. Au Pérou, le foot est central dans la vie des jeunes
Tous les soirs, près de 2000 habitants viennent assister gratuitement aux nombreux spectacles
En 2015, les murs de 40 maisons ont été peints par des graffeurs de la capitale. Ici, les deux artistes ont travaillé trois jours pour réaliser leur fresque, aidées par les habitants qui les ont invités à tous leurs repas
Bryan, 18 ans, jongle sur les feux rouges pour arrondir les fins de mois
Mando, 75 ans, fait une pause entre deux spectacles
En attendant le défilé
Bryan, 18 ans en 2008, chez lui avec sa mère Carmen
Bryan, 24 ans, aujourd’hui acteur et professeur sur le FITECA
Les habitants des hauteurs de la Balanza posent avec les musiciens et les marionnettes de fibre de verre qui pèsent entre 8 et 15 kg
Jorge Rodriguez Mallqui et Patricia Beltran (au centre et à gauche) sont les créateurs de ces grandes marionnettes.
La Balanza, banlieue nord de Comas, 10 kilomètres du centre de la tentaculaire capitale du Pérou. Au pied de la Cordillère des Andes, au cœur d’une vallée baignée de poussière, pas un arbre ne vient boucher la vue sur Lima. La nuit, la mégapole de près de 10 millions d’habitants prend des airs d’une Los Angeles déglinguée sous le regard désabusé des habitants du quartier. Ce panorama démesuré est leur seule richesse. Depuis 60 ans, des migrants des quatre coins du Pérou viennent grossir les rangs des vendeurs de rue et autres oubliés du progrès, faisant fi des contraintes du relief et du taux de criminalité parmi les plus élevés du pays. Depuis 60 ans, des maisons de paille gagnent la montagne, devenant, au fil du temps des maisons de pierre dont les murs colorent le désert de poussière. Un peu d’électricité volée à ceux qui peuvent payer, de l’eau au robinet collectif et un indispensable chiffon pour essuyer les caisses de bière avant de s’assoir. Le soir. Ensemble. Autour d’une bière achetée quelques soles dans les tiendas improvisées. De vieux juke box crachent un reggaeton grésillant que les cris des chiens errants perturbent à peine. La fête est en général tardive, alcoolisée et essentiellement masculine, volant des heures de sommeil à la tenancière qui voudrait bien les voir aller se coucher. Et chaque année depuis 15 ans, tambours et échasses annoncent le printemps. Initié par Jorge Rodriguez Mallqui en 2001, le Fiteca (Fiesta Internacional de Teatro en Calles Abiertas) est sorti tout droit de cette envie d’offrir une dimension culturelle à ce quartier de bric et de broc, catalogué dangereux, en inventant une nouvelle histoire collective.Jorge Rodriguez Mallqui est un artiste de la Balanza qui a crée la troupe de La Gran Marcha de los Muñecones à l’origine de cette fête autogérée d’une semaine. Au départ, il a imaginé de grandes marionnettes pour défier, par l’art de rue, la propagande murale en faveur de la politique autoritaire d’Alberto Fujimori (1990-2000). Elles parlent du Pérou, de ses blessures, ses migrations africaines et ses populations entre montagne, forêts, villes et espoirs. Aujourd’hui, la troupe est toujours engagée et son art aborde les difficultés d’un peuple encore très marqué par la dictature. Lors du Fiteca, les grandes marionnettes défilent dans les rues pour inciter les habitants à entrer dans la danse. Au départ méfiants, certains déclarent aujourd’hui leur quartier « barrios cultural ». Comme une graine plantée dans la poussière du désert, il gagne chaque année du terrain sur la pauvreté. Dans les allées qu’ils ont bâties, tous dessinent le visage d’une culture qui les inspire, qu’ils revendiquent comme une identité nouvelle, faite de migration, d’exode rural et de débrouille. En 2015, plus de 2000 personnes assistaient chaque soir aux spectacles donnés par les 106 artistes venus de toute l’Amérique Latine et logés gratuitement chez les habitants volontaires. Dans les maisonnettes, on se serre, on échange, on partage pour allumer les rues, les yeux, les consciences et faire vibrer le quartier au rythme des âmes inspirées. Clowns, échassiers, danseurs, comédiens, artistes, graffeurs envahissent les soirées, peignent les murs, marquent de leurs souvenirs, les esprits oubliés. Tout vient des mains de ces habitants qui investissent les allées, créant un immense espace collectif dans lequel petits et grands trouvent à s’exprimer. Aubaine pour le Fiteca 2015 : la municipalité de Lima ayant interdit le graff sur les façades de la ville, les artistes les plus en vue s’étaient donné rendez-vous loin des yeux de la police, à la Balanza. Les habitants offraient leurs murs sur lesquels le Pérou d’aujourd’hui peint son identité avec fierté. Ce travail photographique est né d’une rencontre entre la photographe, Maud Veith, et un disciple du fondateur du Fiteca, Bryan Meza. Ce jeune membre de la troupe La Gran Marcha de los Muñecones est investi corps et âme dans l’organisation du festival qu’il contribue à faire grandir chaque année. Marine Veith, cousine et journaliste, a suivi l’aventure à travers les yeux de Maud, qui lui raconte, depuis le début ses rencontres et ses coups de cœur. Avec cette série de photos, nous vous proposons un voyage en terre culturelle où les habitants ont investi des lieux sans autorisation et avec flamme. Cette flamme qui brûle dans les yeux de ceux qui refusent les destins imposés. Les photos présentées ont été prises sur plusieurs années (entre 2008 et 2015), au fil des rencontres, toujours émouvantes, et des évènements, souvent rocambolesques. Ni un reportage, ni un festival n’existe sans aventure. Celle-ci est humaine avant tout.
Marine Veith